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physique nouvelle, il y a l'�motion, qui se prolonge en �lan du c�t� de la
volont�, et en repr�sentation explicative dans l'intelligence. Posez, par
exemple, l'�motion que le christianisme a apport�e sous le nom de charit� : si
elle gagne les �mes, une certaine conduite s'ensuit, et une certaine doctrine se
r�pand. Ni cette m�taphysique n'a impos� cette morale, ni cette morale ne fait
pr�f�rer cette m�taphysique. M�taphysique et morale expriment la m�me
chose, l'une en termes d'intelligence, l'autre en termes de volont� ; et les deux
expressions sont accept�es ensemble d�s qu'on s'est donn� la chose � expri-
mer.
Qu'une bonne moiti� de notre morale comprenne des devoirs dont le ca-
ract�re obligatoire s'explique en derni�re analyse par la pression de la soci�t�
sur l'individu, on l'accordera sans trop de peine, parce que ces devoirs sont
pratiqu�s couramment, parce qu'ils ont une formule nette et pr�cise et qu'il
nous est alors facile, en les saisissant par leur partie pleinement visible et en
descendant jusqu'� la racine, de d�couvrir l'exigence sociale d'o� ils sont
sortis. Mais que le reste de la morale traduise un certain �tat �motionnel,
qu'on ne c�de plus ici � une pression mais � un attrait, beaucoup h�siteront �
l'admettre. La raison en est qu'on ne peut pas ici, le plus souvent, retrouver au
fond de soi l'�motion originelle. Il y a des formules qui en sont le r�sidu, et
qui se sont d�pos�es dans ce qu'on pourrait appeler la conscience sociale au
fur et � mesure que se consolidait, immanente � cette �motion, une conception
nouvelle de la vie ou mieux une certaine attitude vis-�-vis d'elle. Justement
parce que nous nous trouvons devant la cendre d'une �motion �teinte, et que la
puissance propulsive de cette �motion venait du feu qu'elle portait en elle, les
formules qui sont rest�es seraient g�n�ralement incapables d'�branler notre
volont� si les formules plus anciennes, exprimant des exigences fondamen-
tales de la vie sociale, ne leur communiquaient par contagion quelque chose
de leur caract�re obligatoire. Ces deux morales juxtapos�es semblent mainte-
nant n'en plus faire qu'une, la premi�re ayant pr�t� � la seconde un peu de ce
qu'elle a d'imp�ratif et ayant d'ailleurs re�u de celle-ci, en �change, une signi-
fication moins �troitement sociale, plus largement humaine. Mais remuons la
cendre ; nous trouverons des parties encore chaudes, et finalement jaillira
l'�tincelle ; le feu pourra se rallumer, et, s'il se rallume, il gagnera de proche
en proche. Je veux dire que les maximes de cette seconde morale n'op�rent
pas isol�ment, comme celles de la premi�re : d�s que l'une d'elles, cessant
d'�tre abstraite, se remplit de signification et acquiert la force d'agir, les autres
tendent � en faire autant ; finalement toutes se rejoignent dans la chaude
�motion qui les laissa jadis derri�re elle et dans les hommes, redevenus
vivants, qui l'�prouv�rent. Fondateurs et r�formateurs de religions, mystiques
et saints, h�ros obscurs de la vie morale que nous avons pu rencontrer sur
notre chemin et qui �galent � nos yeux les plus grands, tous sont l� : entra�n�s
par leur exemple, nous nous joignons � eux comme � une arm�e de conqu�-
rants. Ce sont des conqu�rants, en effet ; ils ont bris� la r�sistance de la nature
Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion (1932) 28
et hauss� l'humanit� � des destin�es nouvelles. Ainsi, quand nous dissipons
les apparences pour toucher les r�alit�s, quand nous faisons abstraction de la
forme commune que les deux morales, gr�ce � des �changes r�ciproques, ont
prise dans la pens�e conceptuelle et dans le langage, nous trouvons aux deux
extr�mit�s de cette morale unique la pression et l'aspiration : celle-l� d'autant
plus parfaite qu'elle est plus impersonnelle, plus proche de ces forces natu-
relles qu'on appelle habitude et m�me instinct, celle-ci d'autant plus puissante
qu'elle est plus visiblement soulev�e en nous par des personnes, et qu'elle
semble mieux triompher de la nature. Il est vrai que si l'on descendait jusqu'�
la racine de la nature elle-m�me, on s'apercevrait peut-�tre que c'est la m�me
force qui se manifeste directement, en tournant sur elle-m�me, dans l'esp�ce
humaine une fois constitu�e, et qui agit ensuite indirectement, par l'inter-
m�diaire d'individualit�s privil�gi�es, pour pousser l'humanit� en avant.
Mais point n'est besoin de recourir � une m�taphysique pour d�terminer le
rapport de cette pression � cette aspiration. Encore une fois, il y a une certaine
difficult� � comparer entre elles les deux morales parce qu'elles ne se
pr�sentent plus � l'�tat pur. La premi�re a pass� � l'autre quelque chose de sa
force de contrainte; la seconde a r�pandu sur la premi�re quelque chose de son
parfum. Nous sommes en pr�sence d'une s�rie de gradations ou de d�grada-
tions, selon qu'on parcourt les prescriptions de la morale en commen�ant par
une extr�mit� ou par l'autre ; quant aux deux limites extr�mes, elles ont plut�t
un int�r�t th�orique ; il n'arrive gu�re qu'elles soient r�ellement atteintes. Con-
sid�rons cependant en elles-m�mes, isol�ment, pression et aspiration. Imma-
nente � la premi�re est la repr�sentation d'une soci�t� qui ne vise qu'� se
conserver : le mouvement circulaire o� elle entra�ne avec elle les individus, se
produisant sur place, imite de loin, par l'interm�diaire de l'habitude, l'immo-
bilit� de l'instinct. Le sentiment qui caract�riserait la conscience de cet
ensemble d'obligations pures, suppos�es toutes remplies, serait un �tat de
bien-�tre individuel et social comparable � celui qui accompagne le fonction-
nement normal de la vie. Il ressemblerait au plaisir plut�t qu'� la joie. Dans la
morale de l'aspiration, au contraire, est implicitement contenu le sentiment
d'un progr�s. L'�motion dont nous parlions est l'enthousiasme d'une marche en
avant, - enthousiasme par lequel cette morale s'est fait accepter de quelques-
uns et s'est ensuite, � travers eux, propag�e dans le monde. � Progr�s � et
� marche en avant � se confondent d'ailleurs ici avec l'enthousiasme lui-
m�me. Pour en prendre conscience, il n'est pas n�cessaire de se repr�senter un
terme que l'on vise ou une perfection dont on se rapproche. Il suffit que dans
la joie de l'enthousiasme il y ait plus que dans le plaisir du bien-�tre, ce plaisir
n'impliquant pas cette joie, cette joie enveloppant et m�me r�sorbant en elle
ce plaisir. Cela, nous le sentons; et la certitude ainsi obtenue, bien loin d'�tre
suspendue � une m�taphysique, est ce qui donnera � cette m�taphysique son
plus solide appui.
Mais avant cette m�taphysique, et beaucoup plus pr�s de l'imm�diatement
�prouv�, sont les repr�sentations simples qui jaillissent ici de l'�motion au fur
et � mesure qu'on s'appesantit sur elle. Nous parlions des fondateurs et
r�formateurs de religions, des mystiques et des saints. �coutons leur langage ;
il ne fait que traduire en repr�sentations l'�motion particuli�re d'une �me qui
s'ouvre, rompant avec la nature qui l'enfermait � la fois en elle. m�me et dans
la cit�.
Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion (1932) 29
Ils disent d'abord que ce qu'ils �prouvent est un sentiment de lib�ration.
Bien-�tre, plaisirs, richesse, tout ce qui retient le commun des hommes les
laisse indiff�rents. A s'en d�livrer ils ressentent un soulagement, puis une [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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